A. Corvisier: La Guerre. Essais historiques

Titel
La Guerre. Essais historiques.


Autor(en)
Corvisier, André; Hervé Couteau-Bégarie
Erschienen
Paris 2005: Editions Perrin
Anzahl Seiten
429 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Daniel Palmieri

Sous le titre de La Guerre. Essais historiques, les Editions Perrin ont republié l’année dernière un ouvrage d’André Corvisier, professeur émérite à la Sorbonne, paru dix ans auparavant. Cette nouvelle mouture est agrémentée d’une préface et d’une postface, traitant de la guerre au XXIe siècle, rédigées par Hervé Coutau- Bégarie, professeur à l’Ecole pratique des hautes études.

Notons d’emblée que les possesseurs de l’édition de 1995 s’éviteront des frais supplémentaires, car ce ne sont pas les deux petits textes de Coutau-Bégarie, ni ses conclusions «divinatoires» (Seule certitude, le monde du XXIe siècle risque de n’être guère plus pacifique que celui du siècle précédent – p. 404), pas plus d’ailleurs que le maigre complément bibliographique qui les obligeront à débourser les 23 Euros que coûte l’ouvrage de 2005.

Pour les nouveaux lecteurs en revanche, la décision risque d’être plus difficile. Les nostalgiques de Renouvin et de Duroselle ne pourront que faire immédiatement l’acquisition du livre de Corvisier, car ils y retrouveront avec plaisir une histoire à la «française», constituée de faits et de détails et, ce qui ne gâche rien, fort bien écrite. C’est en effet une somme érudite que nous livre le directeur de L’histoire militaire de France, traversant et retraversant encore le passé pour nous faire découvrir la plus ancienne activité de l’homme, sur (presque) tous les continents et dans toutes les époques. Maîtrisant parfaitement son sujet auquel il a du reste consacré une large partie de sa production scientifique, Corvisier nous présente la guerre dans les relations qu’elle entretient avec la science, la politique, la société, l’Etat ou encore la morale, en autant de chapitres savants qui constituent chacun la base de ces essais et qui démontrent combien la guerre est un phénomène global, sociétal. L’argumentation est complète, peut-être même trop, et ce savoir encyclopédique condensé et éparpillé en quelque 430 pages rend difficilement lisible les intentions et les réflexions propres à l’auteur, et surtout ses conclusions. On s’étonnera d’ailleurs que l’ouvrage, qui s’ouvre sur une introduction à caractère essentiellement lexicographique, ne se termine par aucune conclusion digne de ce nom et à même de refléter l’apport original de la contribution dans le champ toujours plus vaste des études en histoire de la conflictualité.

On l’aura compris, c’est donc plus comme une synthèse des connaissances polémologiques de toute une vie ou comme une sorte de dictionnaire thématique perfectionné que le lecteur se doit d’appréhender le travail de Corvisier. La forme même de la recherche, son appareil critique réduit au strict minimum, ses références nombreuses à des entrées d’encyclopédies et surtout les multiples citations d’hommes plus ou moins célèbres qui émaillent le texte suggèrent cette comparaison. Elle risque au demeurant de rebuter ceux qui s’attendraient à trouver un ouvrage problématisé, construisant et développant au fur et à mesure des pages un raisonnement. En effet, la notion d’essais se résume ici à une collection d’articles, abordant chacun une thématique particulière et pouvant en fin de compte se lire indépendamment les uns des autres. On regrettera que cette seconde publication n’ait pas été l’occasion d’une réactualisation de son contenu afin de tenir compte de l’évolution de l’historiographie. Des assertions telles que «Les accusations portées contre les Américains d’avoir recouru à la guerre bactériologique en Corée en 1952 relèvent de la propagande» (p. 83) sonnent aujourd’hui de façon obsolète et auraient mérité d’être nuancées au regard de travaux plus récents, comme par exemple celui des historiens Stephen Endicott et Edward Hagerman (The United States and Biological Warfare: Secrets from the Early Cold War and Korea, Indiana University Press, janvier 1999) qui, bien que sujet à critiques, n’en a pas moins le mérite d’interroger de manière moins manichéenne cet épisode de la Guerre froide.

Et que dire de la bibliographie, même sommaire et, plus grave encore, de son complément censé l’actualiser? Non seulement ceux-ci nous fournissent une liste d’ouvrages souvent anciens, voire surannés (qui se souvient en effet du Dialogue sur le commandement d’André Maurois, 1924, texte qui ne figure dans aucune bibliothèque universitaire romande?); mais surtout ils omettent totalement de citer certains classiques de l’histoire militaire, à l’image des travaux de John Keegan. Là également, un dépoussiérage bibliographique aurait été le bienvenu.

Quant aux introduction et conclusion de Coutau-Bégarie, force est de constater qu’elles n’apportent guère de nouvel éclairage sur la problématique générale. Le lecteur intéressé à la guerre au XXIe siècle devra se contenter en effet d’une courte et rapide synthèse sous la plume du professeur de l’EPHE.

En résumé, La Guerre. Essais historiques est le produit d’une école historique bien particulière «…qui allie l’histoire militaire, l’histoire sociale au sens des Annales, l’histoire des relations internationales de Pierre Renouvin, l’histoire institutionnelle de Roland Mousnier et la polémologie de Gaston Bouthoul» (p. 7). Bref, une école ancienne, peu ouverte aux nouveaux courants épistémologiques, y compris ceux de son propre pays (où sont passés les travaux des Rousseau, Cochet ou plus généralement sur l’histoire culturelle de la guerre?) et surtout très en retrait et en retard par rapport aux War Studies anglo-saxonnes. Dans ces conditions, on peut légitimement se demander les raisons de cette republication.

Citation:
Daniel Palmieri: Compte rendu de: André Corvisier, Hervé Couteau-Bégarie: La Guerre. Essais historiques. Paris, Perrin, 2005. Première publication dans: Revue suisse d’histoire, Vol. 56 Nr. 4, 2006, pages 508-509.

Redaktion
Veröffentlicht am
20.01.2012
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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